Primaths choisit généralement de proposer outils, formulations ou pistes de travail plutôt que de critiquer ce qui existe ailleurs. Nous nous confondons en excuses pour avoir attiré par fourberie sur cette page des lecteurs qui n'y seraient pas venus s'ils avaient disposé du titre complet.
Voici pourquoi nous pensons que le tableau de numération ne permet pas, au CP, de comprendre les bases du système décimal.
Chaque sac contient dix billes.
Remplis le tableau puis complète :
En tout, il y a___ billes.
.
d
u
Mettons-nous à la place d'un élève qui doit effectuer cet exercice.
Que doit-il penser pour réussir ?
— Le « d » du tableau veut dire dizaine. Une dizaine c'est un paquet de dix, alors il faut que je compte les paquets de dix billes sur le dessin. Il y en a 4.
d
u
4
— Maintenant, je compte les billes toutes seules, parce que « u » ça veut dire unité et une unité c'est ce qui est tout seul. Il y en a 6.
d
u
4
6
— Je recopie ce qui est dans le tableau :
billes.
En tout il y a
À quel moment cet élève a-t-il eu besoin de penser « Quand on écrit un nombre à deux chiffres, le chiffre de droite compte des objets uniques et le chiffre de gauche compte des groupes de 10 objets » ?
Jamais.
C’est pour cela que le tableau n'aide pas à s'approprier le principe de l'écriture des nombres dans le système décimal. Même si le maître a fait sur le sujet une leçon brillante, ou s’il a proposé une situation de recherche adaptée, les élèves ont besoin de se remémorer fréquemment le principe de base. Ce n'est jamais le cas quand on utilise un tableau.
Certains lecteurs attirés sur cette page par traitrise chercheront sans doute à sauver le tableau de numération en pensant que l'exercice proposé n'est pas adapté, qu'il a été forgé spécialement pour la démonstration et qu'avec d'autres exercices le tableau de numération serait pertinent.
Par exemple, on peut se demander si le problème ne vient pas de ce que les dizaines sont déjà faites dans l'exercice étudié… Voici donc un autre exemple.
Entoure des paquets de 10 billes,
remplis le tableau puis complète :
En tout, il y a ___billes.
Mettons nous à nouveau à la place de l'élève.
— Je fais des paquets. Un, deux trois, quatre… … dix.
Un, deux, trois… …dix.
Un, deux…
—Il y a 4 paquets de 10, j'écris dans le tableau qu'il y a 4 dizaines.
— Il reste 9 billes, c'est des unités.
Je n'ai plus qu'à recopier les chiffres dans la phrase.
En tout il y a
billes.
Pas plus que dans la version précédente, l'élève n'a eu besoin de penser que le premier chiffre comptait des groupes de dix objets et le deuxième des objets isolés. Cette convention est essentielle, mais n'est pas nécessaire pour réussir l'exercice. Certains élèves peuvent l’acquérir sans avoir l’occasion de l’utiliser. Ce n’est pas le cas de tous.
Par ailleurs, un des groupes de dix entourés par notre élève contient en réalité seulement 9 billes. Que se passera-t-il dans la classe quand le maître corrigera les exercices ?
L'attention des élèves sera focalisée sur la nécessité de bien faire attention à ne pas se tromper en réalisant les dizaines, ce qui n'est pas du tout le but poursuivi.
Il est évidemment préférable de faire attention en groupant par 10, mais ce n'est pas l’objet du travail. Quand on enseigne le principe de l'écriture décimale, les élèves savent déjà faire des groupes de 10 objets, même si une erreur peut arriver parfois.
Dans une ultime tentative pour sauver ce qui reste de son bien-aimé tableau, le lecteur victime de la perfidie de Primaths pensera peut-être que le tableau est utile pour travailler le cas où le chiffre des unités est 0, cas difficile et essentiel.
Voyons ce qu'il en est.
Chaque boîte contient dix craies.
Remplis le tableau puis complète :
En tout, il y a___ craies.
— Il y a 4 paquets de 10, j'écris 4 dans la colonne des dizaines.
Que doit faire le maître si l'élève laisse le tableau en l'état ?
La tentation est grande de demander à l'élève de mettre un zéro dans la colonne des unités pour dire qu'il n'y en a pas. Mais comment justifier cette exigence ?
Dans le tableau, il n'est absolument pas nécessaire d'écrire un zéro pour signifier qu'il n'y a pas d'unité, laisser la case vide transmet sans aucune ambiguïté la même information.
Reprenons le fil du travail avec l'élève qui n'a pas écrit de zéro dans son tableau. Comment peut-il écrire correctement le nombre de craies ?
—Bon alors, je recopie ce que j'ai écrit dans le tableau…
En tout il y a
craies.
— ça ne va pas, déjà dans une boîte il y a plus de quatre craies il y en a dix. Ah oui, le 4 c'est des paquets de 10, il faut que je mette un zéro derrière pour faire voir que c'est un 4 qui veut dire 40…
En tout il y a
craies.
Nous ne prétendons évidemment pas que tous les élèves ayant laissé vide la colonne des unités dans le tableau auront ce raisonnement. Certains d'entre eux se tromperont.
Dans ce cas, le maître expliquera que, dans le tableau, le « d » indique qu'il y a quatre dizaines. Hors du tableau, comme il n'y a plus les titres de colonnes, le zéro est nécessaire pour montrer que le chiffre 4 compte des dizaines.
Si l'écriture à l'intérieur du tableau n'est pas conforme à l’écriture hors du tableau il faut, pour réussir, mobiliser les principes du système décimal… ce qui est précisément le but recherché.
Si l'on impose l'écriture du zéro dans le tableau, on améliore la réussite immédiate, pas la compréhension du système décimal de position.
Le tableau est inutile dans le meilleur des cas, c'est à dire si on tolère que son contenu ne soit pas une copie conforme de l'écriture décimale. Il est nuisible dans les autres cas.